Sous-marin mouilleur de mines Q184 PERLE de 770 tonnes classe Saphir - En surface en petite rade de ToulonSous-marin PERLE dans la petite rade de Toulon

Membres de l'association qui ont embarqué sur la PERLE


Le 8 juillet 1944, disparaissait le sous-marin "PERLE" de la classe "SAPHIR", attaqué et coulé par méprise lors de son transit des Etat-unis vers la Grande-bretagne. Il n'y eu qu'un survivant.

Madame GRANGER-CARPENTIER, alors épouse de l'enseigne de vaisseau de 1ère classe CARPENTIER disparu sur le sous-marin "PERLE", adhérente de la section "RUBIS" vit son époux pour la dernière fois, lors de son appareillage de TOULON en septembre 1942 alors que le sous-marin "PERLE" selon les conditions d'armistice, relevait le sous-marin "DIAMANT" basé à DAKAR. Six mois après son départ, Madame GRANGER-CARPENTIER donnera naissance à un garçon le 9 janvier 1943 qui n'aura pas connu son père.

La dernière traversée

Le lieutenant de vaisseau TACHIN a remplacé le lieutenant de vaisseau PAUMIER au commandemant du sous-marin "PERLE", qui appareille le 26 juin 1944 pour rejoindre HOLY LOCH en Écosse. Après une escale à Terre neuve, le sous-marin "PERLE" quitte SAINT JOHN'S le 3 juillet 1944.

Des messages détaillés de l'officier général de la marine à Terre-neuve, du commandant en chef de la zone occidentale  d'approche à LIVERPOOL, de l'amirauté et du commandant en chef pour l'Atlantique de l'US NAVY signalèrent son départ, les divers points de son itinéraire et les restrictions draconiennes de bombardement imposées sur un axe de cinquante milles en avant et en arrière, et de vingt milles à tribord et babord de la position et route estimée du sous-marin. Des rapports quotidiens informaient tous les navires de la position route et vitesse du sous-marin.

 

Q184 PERLE - SITREP

 

En fin de matinée du 8 juillet 1944, à environ huit cents kilomètres au sud est du GROENLAND, un avion biplan SWORDFISH d'un navire marchand transformé en porte-avions d'escorte "L'EMPIRE MAC CALLUM" est en patrouille de routine en avant du convoi "ONM 243" comprenant 87 navires. Le pilote de l'avion le lieutenant François OTTERVEANGER de la marine royale néerlandaise, présuma que ce sous-marin navigant en surface route au nord-est, etait un U-BOOT, comme le fit l'officier supérieur du groupe d'escorte canadien "C5" sur le "NCSM DUNVER"  qui ordonna de faire décoller les avions disponibles. Comme ce type d'avion était lent le pilote sur zone se tînt à bonne distance du sous-marin, attendant les renforts de six avions.

Soixante cinq minutes après le rapport de repérage, le commandant du groupe d'escorte STEPHEN lança subitement "les avions savent-ils que le sous-marin "PERLE" navigue peut-être dans ces parages ?".

L'officier de l'aéronautique en poste sur le porte-avions d'escorte n'était au courant de rien sur la position du sous-marin "PERLE" cependant, il tenta de prévenir les avions en leur envoyant une mise en garde un peu tardive :

"Portez attention aux signaux de reconnaissance au cas où il s'agirait d'un sous-marin allié, sinon, attaquez ! " .

Un seul avion entendit la communication et demanda en vain de répéter le message, au moment où le lieutenant OTTERVEANGER  lançait ses attaques. Lorsqu'il aperçut une série de "L" transmise par le projecteur du sous-marin qui était l'identification correcte du jour. Il en conclut à une ruse et tira quatre paires de roquettes sur le sous-marin, suivi par les autres avions  qui larguèrent deux charges de profondeur.

Le sous-marin "PERLE" a coulé dans les quatre minutes qui ont suivi l'attaque.

Lorsqu'un escorteur du convoi "ONM 243" arriva sur les lieux de l'attaque un seul homme, le maître CLOAREC fut retrouvé vivant sur les cinquante huit membres de l'équipage. Arrivé à bord de l'escorteur il fut tout d'abord pris pour un allemand.

Témoignages

Aimablement communiqués par Marc-Bernard CASTEL de la section AGASM NARVAL (Lorient)


Q184 PERLE - Compte-rendu du sauvetage du premier maître mécanicien Émile Cloarec (p1/5)

R E P U B L I Q U E   F R  A N C A I S E

MARINE NATIONALE

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Officier de Liaison à Halifax

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No. 968

Halifax, le 22 juillet 1944

 

Le Commissaire de 3è Cl. WILLIATTE-BATTET,

Officier de liaison à Halifax,

à 

Monsieur le Vice-Amiral,

Chef de la Mission Navale Française aux Etats-Unis,

WASHINGTON.

 

Amiral,

J'ai l'honneur de vous rendre compte que le 14 juillet 1944 à 18 h 53, heure locale, la Corvette Canadienne H.M.C.S. "HESPELER" accostait au quai No. 4 du "Dockyard" d'Halifax. A son bord se trouvait le Premier-Maître mécanicien CLOAREC Emile, mle. 3313-25-2, seul rescapé du sous-marin Français la "PERLE".

Avisé par les Autorités Navales Canadiennes du port, de l'arrivée de cet officier-marinier, je me suis rendu immédiatement sur le bâtiment qui le transportait. Là , j'ai fait venir l'intéressé au carré des Officiers et de 20 h 30 à 22 h 10 ai recueilli dans tous les détails ses déclarations.

Elles ont été relues attentivement et signées en ma présence par leur auteur. Cinq copies ont été faites pour la Marine Canadienne et remises au Acting Captain LAIDLOW, Chef Etat-Major de Monsieur le Contre-Amiral MURRAY, "Commander-in-Chief" Canadian North Atlantic".

Destinataire :

Monsieur le Vice-Amiral,

Chef M.N.E.U.

Copie :

F.N.L.O. Halifax


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Q184 PERLE - Compte-rendu du sauvetage du premier maître mécanicien Émile Cloarec (p2/5)

DECLARATION DU PREMIER-MAITRE MECANICIEN CLOAREC EMILE, MLE 3313-25-2, SUR LA PERTE DU SOUS-MARIN FRANÇAIS "LA PERLE"

Nous avons quitté New London le 26 juin, escortés par le Destroyer Américain "COCKEREL" et fait route pour Saint-Jean de Terre-Neuve où nous sommes arrivés le 1er juillet vers 21 h 00. Le 3 juillet, à 21 h 00, nous avons appareillé de Saint-Jean de Terre-Neuve pour l'Angleterre, escortés jusqu'à  une distance de 50 miles par H.M.C.S. "CHICOUTIMI". Nous avons ensuite navigué seuls, en surface, à une vitesse de 9 à 10 noeuds, en zigzagant. D'après mes souvenirs, nous avons gouverné au 92 jusqu'au 6 juillet, date à laquelle nous avons changé de route. Ce jour là , de 9 h à 11 h nous fîmes les premiers exercices de plongée depuis notre départ des Etats-UNis. Ceux-ci furent répétés de 8 h 30 à 10 h 20 le lendemain 7.

Le temps depuis le début de notre voyage avait été, dans l'ensemble, médiocre : brume épaisse ou très épaisse, visibilité mauvaise ou très mauvaise. Cependant, le 8 au matin, il faisait très clair avec un beau soleil. A midi, au moment du point observé, les quatre officiers et le B.N.L.O. se trouvaient sur la passerelle. l'enseigne de vaisseau de 1ère CL. CARPENTIER était de quart. Le pavillon National était à son poste de mer. Vers 12 h 30, j'entendis du poste des maîtres où je me tenais, qu'on faisait inscrire au brouillon du journal de navigation : "Aperçu un avion dans le (je n'ai pû retenir le gisement)". Quelques minutes ensuite, j'entendis qu'on faisait inscrire un deuxième avion. Une dizaine de minutes plus tard, je montais dans le kiosque pour fumer une cigarette. Avec moi se trouvaient le q/m Fourrier et un matelot dont je ne me rappelle pas le nom. Quatre à six minutes après avoir allumé une cigarette, j'entendis un avion piquer sur nous puis passer très près du bord, en même temps que retentissaient deux coups très secs, rappellant le bruit du départ d'un coup de 75, suivis presque immédiatement d'un troisième coup extrêmement violent qui ébranla tout le bâtiment. Aussitôt une gerbe de feu très claire et brillante sans aucune fumée, jaillit, venant par le panneau du poste central, avec la forme et la puissance d'un jet de lance à incendie qui aurait eu le diamètre du dit panneau, à savoir 700 millimètres. En un instant tout fut un feu autour de moi. Dès l'apparition de la gerbe de flammes, je m'étais collé avec mes deux camarades contre la cloison arrière du kiosque. J'étais heureusement tout habillé et avais mes gants. Survint un quatrième coup,  à peu près semblable aux deux premiers. Je me ruai alors vers le panneau d'évacuation du kiosque, protégeant autant que possible ma figure dans mes mains.

Pendant que je me trouvais dans l'échelle, les yeux fixés sur le panneau supérieur, je vis de la fumée noire dans l'abri de navigation, provenant probablement de fusées de reconnaissance tirées du bord. Au moment où je

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Q184 PERLE - Compte-rendu du sauvetage du premier maître mécanicien Émile Cloarec (p3/5)

débouchais sur la passerelle, je vis dans le ciel au-dessus de nous, environ une douzaine d'avions biplans. J'entendis quelqu'un pas loin de moi crier, "On coule ! On coule !", puis quelqu'un d'autre au porte-voix prévenir le poste central, "Equipage sur le pont avec les bouées de sauvetage". Je regardais alors dans la direction de l'abri de navigation.  J'y vis l'Officier en troisième, enseigne de vaisseau de 1ère Cl. LONG, dans la fumée, brûlé à la figure et saignant de la face ; il criait "La fusée ! La fusée !".  Un peu en avant de lui se trouvait l'Officier en Second, lieutenant de vaisseau FORTRAIT, lui aussi brûlé à la figure. Je remarquais que les fusées babord et tribord étaient parties ; leurs culots fumaient. Je sortis derrière Monsieur FORTRAIT et Monsieur LONG de l'abri de navigation et aperçus alors sur la passerelle à tribord le Commandant, lieutenant de vaisseau TACHIN, brûlé à la figure et regardant vers l'arrière. A ses côtés se trouvait le second-maître de manœuvre BOURCH. A ce moment je suis passé à babord. Mon intention était de dégager la planche de coupée et de m'en servir comme radeau. Le bâtiment s'enfonçait doucement par l'arrière. J'ai sauté sur le pont et me suis trouvé presque immédiatement recouvert par une lame. Je suis remonté sur la plateforme du canon de 20 mm. L'eau arrivait alors à l'arrière de la passerelle. La fumée s'était dissipée. Autour du canon, avec moi, se trouvaient quelques marins : le q/m canonnier GOGLY, qui tenait une bouée couronne à la main, le q/m VANGAVEREN, le matelot mécanicien DESIAGE, qui se plaignait qu'il ne savait pas nager et le maître mécanicien JAMES. (DESIAGE et JAMES étaient de quart aux diésels au moment de l'accident). Une lame est arrivée par tribord coupant la parole à DESIAGE et submergeant tout le monde. Je suis parti à 4 ou 5 mètres sous l'eau. Quand je suis revenu à la surface, seule la partie avant du  sous‑marin sortait de l'eau d'une quinzaine de mètres avec une pointe positive de 70 à 80 degrés. Quelques secondes plus tard, il coulait ! il était environ 13 h 00. Entre la première explosion et la disparition du bâtiment, il s'est écoulé au maximum une minute et demie.

Les survivants à l'eau se trouvaient en deux  groupes : un groupe de quatre, comprenant le Commandant qui râlait sur le dos à environ 10 mètres de moi, soutenu par sa bouée et quelques petits bouts de lattes de pont sous chaque aisselle, le second-maître de manoeuvre BOURCH, le q/m mécanicien CAPITAINE et moi-même, et à peu près 50 mètres de distance un second où se trouvaient l'Officier en Second qui nageait et autour de lui une douzaine d'hommes.

Quatre avions passent à raser l'eau auprès de nous, puis s'éloignent et disparaissent à l'horizon. Le q/m CAPITAINE me crie de ne pas l'abandonner, puis au même instant disparait. Je lance quelques bouts de latte au second-maître BOURCH qui, un quart d'heure plus tard, se trouve en difficulté. Je le vois qui dégage de plus en plus difficilement sa tête de l'eau, puis coule. Pas très loin de moi, le Commandant râle, toujours sur le dos. A peu près une demie heure plus tard, je ne l'entends plus. Je l'aperçois bientôt sur le ventre, les bras ballants et la tête complètement dans l'eau. Du groupe le plus éloigné viennent des cris qui meurent les uns après les autres. Je me trouve maintenant seul, suivi par le cadavre du Commandant

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Q184 PERLE - Compte-rendu du sauvetage du premier maître mécanicien Émile Cloarec (p4/5)

qui continue de flotter à quelques distances. A 15 h 50, je suis enfin recueilli, presque inanimé, par une baleinière du H.M.C.S. "HESPELER". On me transporte à l'infirmerie du bord où un infirmier Canadien Français et l'Officier ASDIC examinent mon bracelet d'identité, me posent quelques questions et découvrent finalement que je suis Français. À partir de ce moment, j'ai été traité extrêmement bien. On m'a donné des vêtements et soigné avec beaucoup d'attention.

La somme de 112 dollars, produit d'une collecte faite pour moi auprès des Officiers et des hommes du bâtiment, m'a été remise officiellement par le Commandant en présence de tout l'équipage.

Fait à Halifax le 14 juillet  944 à bord de la Corvette Canadienne H.M.C.S. "HESPELER", en présence de Monsieur le Commissaire  de 3ème classe de réserve de la Marine WILLIATTE-BATTET, Officier de liaison naval Français à Halifax, pour valoir ce que doit. 


Q184 PERLE - Compte-rendu du sauvetage du premier maître mécanicien Émile Cloarec (p5/5)

L.C.                             

  

Alger, le 21 SEP 1944       

                                                                                                     MINISTERE DE LA DEFENSE

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                                                                                                           DIRECTION DU PERSONNEL

                                                                                              Bureau des Etudes et Questions Générales 

                                                                                              ------------------------------------------------------------

                                                                                                                      N° 490   B.M.O

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                                                                     N   O   T   E 

                                             pour Monsieur le Capitaine de Corvette

                                             Chargé du Service Central de l'Etat Civil

                                                                      à Casablanca

                                                                                 -:-

                              

 

                                            O B J E T :     Disparus du sous-marin PERLE"

                                            P. JOINTE :    1 liste de personnel

                                                                                - : -

 

 

 

1.-            Je vous adresse ci-joint, à l'effet de prévenir les familles, la liste complète des membres de l'Etat-Major et de l'équipage du Sous-marin "PERLE", coulé en Atlantique le 8 juillet 1944.

2.-            Tout le personnel doit être considéré comme disparu à l'exception du premier-maître mécanicien CLOAREC, seul survivant.

 

 

 

                                                                                         Pour le Ministre de la Marine et par son ordre

                                                                                          Le capitaine de frégate DUPIN DE St CYR

                                                                                                             Directeur du Personnel p.i.

                                                                                                               Signé : DUPIN DE St CYR  

 

 

 

DESTINATAIRE :

Service Central de l'Etat Civil

COPIES :

CAP/O - EMG/O

P.M. (3)

Archives


Membres de l'équipage de la "PERLE" à bord le 8 juillet 1944

Nom Grade Fonction
Marcel TACHIN Lieutenant de vaisseau Commandant
Gilbert FORTRAIT Lieutenant de vaisseau  
Roger CARPENTIER Enseigne de vaisseau (1)  
Albert LONG Enseigne de vaisseau (1)  
Ew ZAPPERT Lieutenant de vaisseau Officier de liaison britannique
Yves BLOCH Premier maître  
Victor JAMES Maître  
Louis BEAULIEU Maître  
Jean COLLOBERT Maître  
Lucien VIDAL Maître  
Yves BOURCH Second maître  
Paul FORNINI Second maître  
Jean LE BRAS Second maître  
Raymond LE GARREC Second maître  
Alfred FISCHER Second maître  
Jean NOEL Second maître  
Lucien PETITCLERC Second maître  
Jean ARVOR Quartier maître  
Robert BAILLAVOINE Quartier maître  
Roland CLOSSON Quartier maître  
Marc CORDIER Quartier maître  
Jean DESIAGE Quartier maître  
Alfred FARDEL Quartier maître  
Marcel GOURBEILLE Quartier maître  
Jean GUENEUGUES Quartier maître  
Gilbert HARTZ Quartier maître  
Elie PECH Quartier maître  
Albert VANGAEVEREN Quartier maître  
Paul ARCHIMBAUD Quartier maître  
Fernand ASSELIN Quartier maître  
Jean-Marie BOSSARD Quartier maître  
Jean CAPITAINE Quartier maître  
Eugène DARTOIS Quartier maître  
Albert DECAUX Quartier maître  
Emile GOGLY Quartier maître  
Maurice HÉLIES Quartier maître  
Louis JULLIARD Quartier maître  
Jean LE GALL Quartier maître  
Louis LE ROUX Quartier maître  
Pierre MAZERON Quartier maître  
André PELAY Quartier maître  
René ALIX Matelot  
Jean AUBRY Matelot  
Jérôme BELLET Matelot  
Jean DAVOINE Matelot  
Jean GILLIOT Matelot  
Marius MICHEL Matelot  
Georges MUSSET Matelot  
Martin PERFETTINI Matelot  
Lucien RAVIER Matelot  
Camille AUCLAIR Matelot  
Jean BELOEIL Matelot  
Julien CHARDENET Matelot  
Maurice DUBOIS Matelot  
Joseph GRAVEL Matelot  
Marcel HAREL Matelot  
G. MITCHELL Liaison Télégraphiste britannique